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Nous avons tous des raisons différentes pour écrire. En
outre, ces raisons, ces motivations peuvent être différentes à chaque age de la
vie. C'est du moins le cas en ce qui me concerne. J'écris depuis
que je sais former des lettres. Enfant j'écrivais des nouvelles policières.
Adolescente, j'écrivais des chansons. Adulte des nouvelles érotiques
autobiographiques.
Parallèlement à cela j'ai toujours écrit des textes
pour fixer certains instants de ma vie. D'autres font des photos, moi j'écris.
Je trouve que les mots ont le pouvoir de fixer des émotions de façon bien plus
forte qu'une photo ne pourra jamais le faire. Vous faites une
photo d'un moment heureux et lorsque vous la regardez plusieurs années plus tard
il ne vous reste qu'un vague souvenir de ce moment même s'il a été très heureux.
Si au lieu de photographier ce moment vous le mettez par écrit, vous pourrez le
revivre et revivre toutes les émotions qui ont été les vôtres et qui ont fait de
cet évènement un moment heureux de votre vie. Cela permet aussi de
bien replacer ce moment dans son contexte, contexte que l'on a tendance à
oublier avec le temps. En outre, il est toujours intéressant de voir quels ont
pu être nos sentiments réels à une certaine époque de notre vie. Notre esprit
ayant la fâcheuse tendance de " flouter " nos souvenirs avec le temps. Par
ailleurs, il est toujours intéressant de constater comment nos sentiments ont pu
évoluer avec le temps. Au fil des années j'ai pris ainsi
l'habitude de photographier par écrit toutes mes rencontres. Tant celles qui
m'ont faite rire, que celles qui m'ont faite pleurer, que celles qui ont
déclenché un questionnement intérieur. Mise à part les chansons et les nouvelles
érotiques qui étaient des commandes que l'on m'avait faites, j'ai toujours écrit
pour moi.
Un jour,
pour tenter de débloquer quelqu'un qui pensait être dans une situation
inextricable je lui ai fait lire un texte que j'avais écrit à propos d'une autre
personne dans une situation analogue. La lecture de ce texte a débloqué le
mental de cette personne qui a, par la suite, pu se sortir de la situation dans
laquelle elle se trouvait.
C'est
ainsi que j'ai commencé à partager mes écrits avec d'autres lorsque je pensais
qu'ils pouvaient être utiles. Ecrire afin d'être publiée
n'a jamais été un but, une motivation pour moi. Bien au contraire. Je n'ai
jamais si peu écrit que depuis que je suis tenue, contractuellement, de remettre
deux autres manuscrits à mon éditeur. Etre publiée me bloque, me freine. Cela
m'empêche d'avoir le rapport habituel et naturel que j'avais avec l'écriture
jusqu'à présent. Il y a un gouffre entre écrire pour soi et écrire
pour d'autres. J'ai vraiment beaucoup de mal à trouver la passerelle qui me
permettrait de le franchir. Ayant déjà été publiée, en toute logique j'aurais
déjà du trouver cette passerelle et je n'aurais qu'à repasser au même endroit.
En réalité, l'essentiel des textes qui composent mon livre je les ai écrits pour
moi et non en vue d'une publication. C'est peut-être aussi pour
cela que je ne me sens pas auteur même si j'écris. Cela même si la logique et le
bon sens veulent que quelqu'un qui écrit soit auteur. Ni auteur,
ni écrivaillon et encore moins écrivain… Mais simple " photographe ". Je me fait
mon album photos avec des mots et des émotions et non avec des images.
"Ecrire
pourquoi ?" est la réponse que j'ai donné à une question que l'on m'a posé en
2005 à la sortie de mon premier livre.
Aujourd'hui, 11 ans, 11 livres et une
fouletitude d'articles plus tard, je ne me sens toujours pas "auteur".
Aujourd'hui,
telle un petit jardinier qui sème des graines au vent, je jardine avec des mots
en semant, à travers mes derniers livres, des petites graines dans l’esprit des
lecteurs. Ces graines germeront peut-être aujourd'hui, demain, dans un mois,
dans un an ou dans dix ou vingt ans. Ce n'est pas important... Elles
écloront lorsque la terre qui les a reçues sera devenue fertile parce qu’elle
aura été travaillée soit par l'intérieur, soit par des évènements
extérieurs.
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